Flash
infos

La 33ème édition de la Fête de la Science se déroulera du 4 au 14 octobre 2024.
L'occasion de rencontrer et d'échanger avec les scientifiques de l'Université Gustave Eiffel lors de stands, visites, ateliers ou conférences,...

Aller au contenu principal
+

Comment le télétravail impacte-t-il nos mobilités ?

Publié en février 2024
-

Le télétravail, longtemps perçu comme une aspiration lointaine, est devenu une réalité incontournable, propulsé par la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement. Les débats sur ses implications n'ont pas cessé depuis, notamment en ce qui concerne les dynamiques spatiales, et les pratiques de mobilité quotidienne. Pendant que certains y voient une opportunité pour une mobilité plus durable en termes de congestion et de pollution (plus de télétravailleurs, c'est moins d'aller-retours entre domicile et travail), d'autres comme l'Ademe à la sortie du premier confinement ont souligné ses effets rebonds, en particulier sur l’augmentation des déplacements privés, de l’usage de la voiture, de l’étalement urbain des populations et des activités et la hausse des distances domicile-travail..

Nous avons appréhendé la question à partir des données de notre enquête en ligne menée au printemps 2022 en France métropolitaine dans le cadre du projet Lability.

Une grande satisfaction à télétravailler

En 2022, un quart des salariés français pratiquait le télétravail de manière régulière et juridiquement formalisée, contre seulement 3 % en 2019. Initialement, pratiqué de manière ponctuelle, par des cadres et dans des secteurs d’activités spécifiques, le « distanciel » s’est non seulement étendu à d’autres catégories d’actifs (professions intermédiaires ou employés), mais est aussi pratiqué de manière plus régulière, sur un nombre de jours plus important, 2 la plupart du temps par semaine.

Comme de nombreuses études, nos résultats montrent que la majorité des télétravailleurs éprouvent une grande satisfaction à télétravailler, et expriment leur intention de maintenir, voire d’augmenter leur fréquence de télétravail, notamment parmi ceux qui télétravaillent un à deux jours par semaine. Le point de satisfaction jugé idéal est en moyenne de 2,5 jours de télétravail par semaine. En ce qui concerne les jours de télétravail, bien que peu d’études existent, nos données révèlent une concentration des jours de télétravail pratiqués et idéaux les vendredis, suivis des lundis et des mercredis.

En Île-de-France, une baisse significative de la fréquentation des transports en commun les vendredis et lundis a également été observée. Les « jours de pointe » apparaissent ainsi en plus des « heures de pointe ».

Plus de déplacements autour de son domicile

Notre recherche récente se distingue en comparant les pratiques des télétravailleurs avant et après sa mise en place avec trois résultats clés.

Premièrement, le télétravail a entraîné un recentrage des déplacements non professionnels à proximité du domicile. 55 % des télétravailleurs interrogés indiquent qu’ils ne sortent pas de chez eux pendant les jours de télétravail. Mais ce n’est que pour 41 % que le télétravail n’a eu aucun impact sur leurs déplacements autour de leur domicile : 56 % des télétravailleurs ont déclaré avoir augmenté leurs déplacements autour de leur domicile. Il est important de noter que les télétravailleurs ont tendance à suivre les mêmes horaires que leurs horaires habituels de travail, ce qui explique des schémas de répartition temporelle relativement similaires entre les jours de télétravail et les jours de travail.

Ceci pourrait être lié à un effet de compensation : plus les télétravailleurs ont augmenté leurs achats dans les petits commerces de proximité (comme les épiceries, boucheries, primeurs, etc.), moins ils fréquentent les grandes surfaces, supermarchés ou hypermarchés. Par exemple, certains organisent leur emploi du temps en télétravail pour faire leurs courses le mercredi, jour de marché, plutôt que le samedi pour éviter la foule des grandes surfaces. De même, cela leur permet d’accéder à certains créneaux de loisirs, rendez-vous médicaux ou administratifs tôt le matin, pendant la pause méridienne, en fin d’après-midi ou en soirée.

Moins de déplacements mais pas moins de voitures

Deuxième conclusion, le recentrage vers le domicile ne devrait pas entraîner de changement significatif dans le taux de motorisation. Si, avec le télétravail, seulement 1 % des répondants estiment qu’il leur manque une voiture, seuls 8 % envisagent d’en vendre une. Le télétravail semble pourtant diminuer les distances moyennes parcourues pour 55 % des répondants.

Dans les faits, la diminution des déplacements pendulaires pourrait entraîner un transfert d’activités vers d’autres membres du ménage. C’est ce que nous avons constaté : 18 % des répondants affirment que la voiture est utilisée par un autre membre du ménage les jours où ils télétravaillent.

Télétravailler n’incite pas spécialement à déménager

Enfin, notre enquête contredit, comme d’autres études récentes, l’hypothèse d’un exode urbain massif lié au télétravail. Seuls 6 % des répondants ont déménagé en raison de la possibilité de télétravailler, dont 2 % avant la pandémie liée au coronavirus et 4 % depuis. Ils ne sont que 26 % de télétravailleurs à affirmer qu’ils pourraient habiter plus loin de leur lieu de travail actuel, et 27 % qu’ils pourraient postuler à un emploi plus loin.

Bien que les télétravailleurs aient tendance à habiter plus loin de leur lieu de travail que les non-télétravailleurs, le sens de la causalité entre télétravail et distance domicile-travail n’est néanmoins toujours pas établie. On ignore donc si la possibilité de télétravailler incite les actifs à s’éloigner de leur lieu de travail ou si le télétravail est plus attrayant pour ceux qui vivent déjà plus loin de leur lieu de travail.

Bien que le choix de localisation résidentielle reste un processus complexe, influencé par des arbitrages familiaux et personnels, le télétravail semble jouer un rôle indirect et secondaire dans ce processus. Il semble davantage répondre aux besoins des individus qu’être le moteur de changements majeurs dans leurs stratégies résidentielles. Néanmoins, il est susceptible de modifier les critères de choix en termes de surface et d’aménagement du logement et de localisation. La plurirésidentialité, voire le nomadisme numérique, peuvent constituer des choix alternatifs pour certains individus.

Ces transformations des modes de vie mettent en lumière un potentiel jusqu’alors sous-exploité du télétravail pour réorganiser la vie quotidienne des actifs et de leurs familles. Cette pratique offre une opportunité significative, en libérant du temps, de disposer d’un plus large éventail de choix, d’appréciation, de plaisir et de confort rencontrés dans les changements de pratiques de mobilités plus souhaitées.The Conversation

Fiche d'identité de l'article

Titre original :

Comment le télétravail impacte-t-il nos mobilités ?

Auteurs :Eléonore Pigalle, Anne Aguiléra, Leslie Belton-Chevallier
Éditeur :The Conversation France
Collection :The Conversation France
Licence :Cet article est republié à partir de The Conversation France sous licence Creative Commons. Lire larticle original.
Date de parution :15 février 2024
Langues :Français
Mots clés :

télétravail, mobilité, ménages, déménagement, voitures