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Comment va évoluer l'île de loisirs de Vaires-Torcy, site des JO 2024 ?
Par Antoine Marsac, Maitre de conférence en sociologie du sport, Université Gustave Eiffel.
L’île de loisirs de Vaires-Torcy, en Île-de-France, existait avant les JOP, mais l’événement a été l’occasion d’y opérer de nouveaux aménagements. Quel héritage Paris 2024 va-t-il laisser sur place ? Et quels sont les effets de ces évolutions sur le site et sur celles et ceux qui fréquentent habituellement cette île de loisirs ?
L’île de loisirs de Vaires-Torcy (IdL) a accueilli, cet été, les épreuves d’aviron et de canoë-kayak des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. C’est l’un des trois sites mondiaux à pouvoir recevoir l’ensemble des épreuves de rame et de pagaie. Ce site a dû réaliser d’importantes transformations structurelles depuis son élection comme site olympique pour répondre aux attentes du cahier des charges olympique (aménagements sportifs, voies d’accès…). L’IdL a su se réinventer afin d’accueillir le méga évènement, tout en conservant ses espaces de loisirs destinés à la population locale. Mais l’équilibre demeure fragile, car la dualité entre sport de haute performance et espace de loisirs fait émerger un questionnement sur les aménagements de l’IdL de Vaires-Torcy. Quels sont les aménagements de l’île avant et pendant les JOP ? Quel héritage Paris 2024 va-t-il laisser ? Quels sont les effets de ces évolutions sur les utilisateurs de cette IdL ?
Une enquête menée au moyen de photographies, d’observation et d’entretiens semi-directifs nous permet d’éclairer le mode de gestion du site, les différentes pratiques et les aménagements dans cette IdL appartenant à la Région Île-de-France (IDF). Elle apportera également des éléments d’éclairage et d’interrogations sur les répercussions de ces aménagements olympiques pour les promeneurs.
Un côté sportif et un côté loisirs
D’une superficie de 350 hectares, c’est l’une des plus vaste IdL de région parisienne. Au cœur de l’agglomération Paris Vallée de la Marne, elle se situe à six kilomètres à l’est de Paris sur les communes de Vaires-sur-Marne, Torcy et Chelles ainsi qu’à quelques kilomètres de l’Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance. Cet espace naturel aménagé accueille les champions de rame ainsi que les Franciliens à la recherche d’un îlot de fraîcheur. L’IdL possède deux espaces : un côté sportif (Vaires-sur-Marne) avec son bassin balisé d’eau calme, ses stades d’eau vive et un côté loisirs (Torcy) avec ses lieux de baignade, équitation, et ses chemins de promenade.
Elle représente une échappatoire dans la vie urbaine en IDF, synonyme « d’ailleurs compensatoire » pour les riverains. Elle conjugue espaces de détente et loisirs sportifs offrant aux utilisateurs des espaces nautiques sportifs et de promenade proche de leur domicile. Elle se définit comme un complexe « réunissant dans un site naturel proche de la population à desservir, les éléments propices à la pratique des activités de pleine nature et d’études culturelles, ainsi que la détente et la régénération ».
Ouverte en 1990, cette île de loisirs accueille des compétitions d’aviron et de canoë-kayak depuis son ouverture. Après sa sélection comme site olympique, le site de Vaires-sur-Marne a été réaménagé pour les JOP de 2024. Premier site olympique français livré au Comité d’Organisation des JOP 2024 en 2019, il devient la pierre angulaire des sports de rame et de pagaie. Pendant les JOP, ce site accueille 36 000 visiteurs par jour, faisant de lui le deuxième en capacité après le Stade de France.
Cohabitation entre le public et les sportifs de haut niveau
Avec 612 000 visiteurs par an, l’IdL est l’un des sites les plus fréquentés d’Île-de-France. Son orientation de haute performance lui confère des particularités très spécifiques. Elle est gérée par une délégation de service public – à l’avenir, la région Île-de-France propriétaire souhaite confier la gestion des îles de loisirs à des délégataires – avec un double enjeu : le sport de haute performance et l’accès aux loisirs publics. Sa renommée s’est fait grâce à ses deux stades d’eau vive, offrant des conditions d’entraînement optimales.
L’Ile de loisirs a dû réaménager ses équipements sportifs et extra sportifs pour accueillir les JOP, pour un coût de 101 millions d’euros. Le bassin, balisé par les lignes d’eau sur deux kilomètres, constitue le pilier de l’IdL avec une tour d’arrivée, un ponton de départ, cinq pontons d’embarquement et débarquement (accessibles aux personnes à mobilités réduites (PMR)) ainsi qu’une route bitumée destinée aux entraîneurs pour le suivi des athlètes. Des installations éphémères comme les gradins, les tours TV, une ligne de bouées anti-vagues sont installés.
Avec ses chemins adaptés aux mobilités douces et accessibles aux PMR, l’IdL (hors secteur haut niveau) est ouverte 24h/24 aux visiteurs.
L’impact des JOP
Mais les restructurations du site ferment partiellement l’IdL au public. Ces transformations perturbent la biodiversité, les habitudes et la fréquentation du site par ses usagers. Si la construction du stade nautique a transformé environ un quart du site, la question de la protection de l’environnement n’en demeure pas moins prégnante. Les conséquences sont une disparition des mares, des roselières, une modification de la faune et de la flore.
Plus de 62 % des usagers habitent à moins de 10 kilomètres du site[9] : la fermeture et les modifications d’accès aux espaces en réaménagement ont donc eu un fort impact sur ses utilisateurs. Ce sont principalement des familles, des jeunes, des retraités, des sportifs ou des personnes à mobilité réduite. Pour certains, l’IdL permet de se ressourcer et de pratiquer une activité physique :
« Il fait beau, le ciel est bleu, l’eau, ça scintille ça brille, vous voyez là, moi ça me fait des micro-vacances ! […] Tous les gens qui habitent en appartement […] on a besoin de jardin, de nature. »
(Passante)
A l’approche des JOP, les travaux de restructuration posent un réel problème aux promeneurs :
« Moi je viens ici car j’aime bien faire mon sport ici. C’est pour la détente. […]. C’est calme. C’est reposant […] mais là c’est plus possible. »
Ou encore :
« Tous ces grillages, toutes ces clôtures qui font que l’on a l’impression qu’on est parqués ».
Après les JOP, ces usagers ont repris la tradition de la promenade. Nous avons observé lors de nos visites que les usagers empruntaient alors des chemins annexes à ceux de l’IdL. La mise en œuvre du site en configuration « spectacle » a impacté directement les usagers qui, depuis le 17 juin dernier, se voient restreints à certaines zones. Sa fermeture pendant la période estivale impacte les familles ne partant pas en vacances. En effet, elle participe à une migration de la population vers d’autres îles de loisir à proximité, engendrant une augmentation des problèmes de surveillance et de sécurité de ces sites.
Cette enquête a mis en évidence les conséquences du réaménagement du site olympique de Vaires-sur-Marne pour ses usagers. Les JOP ont connu un véritable succès auprès des spectateurs et des athlètes, leur offrant les conditions optimales pour performer ; ils sont néanmoins à l’origine de répercussions sur les espaces de promenade ainsi que sur l’écosystème de ce site.
Les années post olympiques vont être déterminantes pour l’avenir de l’IdL de Vaires-Torcy, en fonction de l’orientation choisie par les instances dirigeantes. Quels vont être les droits d’accès et d’utilisation des équipements du site, quel sera le public visé ? Les espaces de promenade seront-ils rétablis ?
Ce travail a été mené dans le cadre de l’atelier de recherche NUMCAP 3 de la Graduate School Program du Labex Futurs urbains de l’Université Gustave Eiffel.
Lucile Barbaudy, Antoine Lefebvre et Aristide Vidagbandji, étudiants en Master 2 STAPS, Sport et sciences sociales, ont contribué à la rédaction de cet article.
Fiche d'identité de l'article
Titre original : | Comment va évoluer l'île de loisirs de Vaires-Torcy, site des JO 2024 ? |
Auteur : | Antoine Marsac (Université Gustave Eiffel) |
Éditeur : | The Conversation France |
Collection : | The Conversation France |
Licence : | Cet article est republié à partir de The Conversation France sous licence Creative Commons. Lire l’article original. |
Date de parution : | 13 novembre 2024 |
Langues : | Français |
Mots clés : | sport, urbanisme, loisirs, aménagement du territoire, Jeux olympiques 2024 |