La seule base de données qui décrit les blessures des accidentés de la route

Blandine Gadegbeku et Bernard Laumon, chercheurs en épidémiologie à l'UMRESTTE, UMR Université Gustave Eiffel et Université Claude Bernard Lyon 1

Outil unique en son genre, le Registre du Rhône est une base de données exhaustive sur les victimes d’accidents de la circulation routière dans le Rhône depuis 1995. Une mine d’informations pour la recherche en sécurité routière orchestrée par l’UMRESTTE.

Bientôt 30 ans d’existence, plus de 230 000 victimes recensées et 400 000 lésions caractérisées, 38 établissements de santé et 250 services de soins partenaires, 85 articles, 25 thèses et une cinquantaine de projets et d’études pour mieux connaître les accidents de la route et leurs conséquences sur les victimes... Base de données de l’ensemble des accidents de la route survenus dans le département du Rhône, le Registre du Rhône fait partie, par sa contribution à la sécurité routière en France, son volume de données et sa longévité, des équipements remarquables de l’Université Gustave Eiffel.

Porté par une équipe d’une dizaine de chercheurs, ingénieurs de recherche et médecins de l’UMRESTTE (Université Gustave Eiffel / Université Lyon 1), le Registre du Rhône des victimes d’accidents de la circulation routière est un outil unique en son genre. « Recueillies directement auprès des services de santé partenaires (regroupés au sein de l’Arvac*) à partir de toutes les sources disponibles, les informations acquises avec le Registre en font la base de données la plus exhaustive sur les blessés de la route » assure Blandine Gadegbeku, responsable administrative du Registre et directrice adjointe de l'UMRESTTE.Couplées aux données recueillies par les forces de l’ordre (Onisr), le Registre contribue ainsi à estimer le nombre de blessés graves au niveau national. Non seulement il vise l’exhaustivité mais il s’inscrit aussi dans la durée : depuis sa création, en 1995, chaque accidenté de la circulation dans le Rhône est systématiquement répertorié et son accident décrit. Un minutieux travail coordonné par le docteur Amina Ndiaye, responsable scientifique adjointe du Registre.

Qu’est-ce qu’un blessé grave ? Par quels mécanismes lésionnels les personnes sont-elles décédées ? Ces questions sont à l’origine de la création du Registre. « Avant, la notion de blessé grave était très administrative et correspondait à une semaine d’hospitalisation. Notre volonté a été d’introduire la dimension santé dans le monde de la sécurité routière et de mieux connaître le tableau lésionnel des victimes » explique Bernard Laumon, épidémiologiste, responsable scientifique du Registre et directeur de recherche émérite. Le Registre utilise pour cela l’Abbreviated Injury Scale (AIS, voir glossaire), une codification internationale qui permet de décrire avec précision la gravité des lésions et leur nature. « L’actuel AIS comprend plus de 2 000 lésions élémentaires, neuf zones corporelles et six niveaux de gravité » précise Blandine Gadegbeku.

En plus de ces données sur les blessures et leur gravité, le Registre recense également des informations sur la victime et les circonstances de l’accident : la victime est-elle enceinte ? Quel était son moyen de locomotion : voiture, deux-roues motorisé, vélo, trottinette mécanique ou électrique ? Est-elle conductrice, passager avant ou arrière ? A-t-elle bénéficié d’un dispositif de protection : casque, ceinture, airbag ? S’agissait-il d’un accident du travail ?

Le Registre représente une précieuse ressource pour tous ceux qui s’intéressent à la sécurité routière**. « Il permet par exemple d’évaluer les politiques de prévention routière sur le port du casque : réduit-il le nombre ou la gravité des blessures ? Au contraire, a-t-il des effets délétères ? »illustre Bernard Laumon. « Le Registre constitue une base pour des études sur des accidentés ou des accidents en particulier comme l’analyse des accidents de trottinettes menée en collaboration avec le Cerema » poursuit Blandine Gadegbeku. Le Registre a également offert à des biomécaniciens l’opportunité d’affiner leurs modèles notamment sur les associations lésionnelles, à des économistes d’étudier le coût de l’insécurité routière avec des projets comme SafetyCube ou Vasem, à des industriels d’améliorer la sécurité de leurs voitures… « À l’avenir nous souhaitons nous pencher sur le devenir des victimes et les conséquences à long terme des accidents sur la santé mentale, l’espérance de vie, la douleur, les troubles cognitifs… »

Registre : Un registre est un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées. Pour devenir un registre, une base de données doit être évaluée par le Comité d’Évaluation des Registres (CER). Il existe une soixantaine de registres en France. Ils portent sur les cancers, les pathologies cardio ou neuro vasculaires, les malformations congénitales, les maladies rares…

Abbreviated Injury Scale : L'AIS est une échelle de codage des lésions initiales de chaque victime d'un accident. Chaque lésion est décrite selon un code en six caractères qui permet de spécifier la région corporelle, l'organe atteint et la nature de la lésion. À chaque lésion est affecté un score de gravité immédiate prenant en compte le risque vital, la rapidité, la complexité et la longueur attendue des soins. Ce score est compris entre 1 (gravité mineure) et 6 (lésion toujours mortelle).

*Arvac : Association pour le Registre des victimes d’accident de la circulation routière dans le Rhône qui regroupe l’ensemble des services hospitaliers susceptibles de prendre en charge un blessé de la route accidenté dans le département.

** Le Registre est ouvert aux acteurs publics et privés, que ce soit en bilatéral ou dans le cadre de projets collaboratifs. Cet équipement remarquable a permis de nouer, au fil des années, un grand nombre de partenariats avec des acteurs tels que des autorités françaises ou européennes en charge de la définition des politiques publiques, des constructeurs automobiles, des équipementiers, des associations d’usagers ou d’autres équipes de recherche.

L'interview a été réalisée par l'agence Kogito.