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Les morsures de chiens sont quotidiennes, mais les politiques urbaines peuvent aider à les prévenir

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Les morsures de chiens sont quotidiennes, mais les politiques urbaines peuvent aider à les prévenir

Publié en novembre 2021
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Melanie J Rock, University of Calgary et Morgan Mouton, Université Gustave Eiffel

Véhicules de surveillance et de transport des chiens de la ville de Calgary.(Morgan Mouton), fourni par l’auteur

Selon l'Organisation mondiale de la santé, les chiens mordent des dizaines de millions de personnes par an, principalement des enfants. Pourtant, le dernier rapport publié par le Canada sur les blessures par morsure de chien chez les enfants et les adolescents remonte à 2003.

Ce rapport de 2003 contenait d’autant plus des informations alarmantes. Par exemple, parmi les nourrissons et les enfants en bas âge concernés, plus des deux tiers ont dû être pris en charge en urgence pour des morsures de chien au visage, à la tête ou au cou. Par ailleurs, parmi les enfants âgés de cinq à neuf ans, plus nombreux sont ceux ayant été traités en urgence pour des morsures de chien que pour des blessures de hockey sur glace. Concernant les jeunes de 10 à 14 ans, les morsures de chien ont donné lieu à plus de visites aux urgences que l'utilisation du trampoline.

Au-delà des questions de santé, il existe des politiques visant à lutter contre les morsures de chien et à en atténuer l'impact. À Calgary, le principe consiste à délivrer des permis de détention de chiens. Les habitants de Calgary paient actuellement 42 dollars pour l'immatriculation d'un chien stérilisé, et 67 dollars pour un chien non stérilisé. À partir de janvier 2022, ces frais augmenteront de 1 dollar.

Diagram illustrating interactions between pet policies and human and animal welfare
Dans quelle mesure les politiques urbaines relatives aux animaux de compagnie contribuent au bien-être des personnes et des animaux.(Melanie Rock), fourni par l’auteur

Les permis de détention améliorent la traçabilité en cas de morsure de chien ou de comportement agressif sans morsure (par exemple, poursuivre des promeneurs dans un parc). Les personnes se procurant des permis de détention de chiens contribuent également, d'une certaine manière, au bien-être de la société. Selon le département des services animaliers de la ville, grâce à son programme de délivrance de permis, Calgary a le taux de retour au propriétaire le plus élevé, mais aussi le taux d'euthanasie d'animaux de compagnie le plus faible d’Amérique du Nord.

Les équipements de capture des chiens passent au numérique : intérieur d'un véhicule de surveillance et de transport des chiens de la ville de Calgary. (Morgan Mouton)

Les précédentes recherches menées par notre équipe ont révélé que les chances de retour au propriétaire et de sauvetage des chiens mis en fourrière par la ville ont contribué à l'acceptation du permis obligatoire de détention de chiens à Calgary. Après tout, personne ne peut anticiper les attaques sur d’autres chiens ou les morsures, surtout sur les enfants.

Le modèle mis en œuvre par la ville de Calgary a soulevé des débats et inspiré la prise de décisions politiques dans d'autres pays. C’est notamment le cas dans les villes d'Edmonton, de Montréal, mais aussi dans des territoires d'Australie. Quatre chiens sur cinq sont immatriculés à Calgary, contre environ deux tiers des chiens d'Edmonton et moins d’un tiers à Toronto.

Ces écarts flagrants traduisent des mesures de prévention contre les morsures de chiens plus efficaces à Calgary qu'à Edmonton, par exemple. Plus les chiens immatriculés seront nombreux, plus il sera possible d’identifier et de localiser rapidement ceux qui posent des problèmes de morsure, ainsi que leurs propriétaires, d'abord dans une base de données, puis au sein la ville. Et, plus le nombre de chiens immatriculés est élevé, plus la municipalité peut investir dans les services destinés aux animaux et à leurs propriétaires.

Stella le Rottweiler

Le cas de Stella le Rottweiler illustre parfaitement le modèle de Calgary en matière de prévention des morsures de chiens. Deux chiens se battaient dans un parc de Calgary, quand l'un d'eux a mordu le maître de l'autre. Un passant a contacté la ville pour signaler l'incident. Il a identifié le chien mordeur : un rottweiler nommé Stella. En quelques minutes, en consultant la base de données de la ville répertoriant les chiens immatriculés et leurs propriétaires légaux, un agent de la paix en patrouille dans les environs a pu identifier et localiser les 17 propriétaires des rottweilers nommés Stella.

Après avoir repéré quelques correspondances potentielles, l'agent a contacté le propriétaire et l'a verbalisé pour la morsure et la bagarre entre les chiens, mais lui a également recommandé des moyens d’empêcher les morsures. La base de données de Calgary répertoriant les chiens a permis de retrouver Stella le rottweiler, de confronter son propriétaire légal et de le sanctionner d’une amende, le tout en une journée de travail.

Mais tous les chiens et leurs propriétaires ne sont pas retrouvés aussi facilement, même à Calgary. Par exemple, le 6 juin 2021, à 18 h 42, les services de police de Calgary ont eu recours à Twitter pour avertir les habitants de la présence d'un chien et demander de l'aide pour retrouver l’animal en question. Le chien, décrit comme un pitbull blanc, avait « mordu deux personnes et devait donc être considéré comme dangereux ».

Plus tard dans la soirée, à 21 h 39, CTV a diffusé ce communiqué. À 22 h 20, les services de police de Calgary ont publié des informations complémentaires sur Twitter : l'enfant blessé avait été « transporté à l'hôpital pour être soigné suite à des blessures n'engageant pas son pronostic vital », mais le chien n'avait toujours pas été « appréhendé ».

Lorsque les décideurs politiques (ou les journalistes) appellent à des politiques plus strictes en matière de morsures de chien, ils ont tendance à mettre en avant les interdictions et les restrictions liées aux races de chiens. Cette approche politique est souvent qualifiée de « législation visant des races particulières ». Cette importance accordée à la race du chien n'est pas surprenante, étant donné que les médias qui relatent les morsures de chiens ont tendance à mettre l’accent sur des races de chien particulières, comme les pitbulls.

Panneau orange avec une silhouette blanche d'un chien, le symbole arrêt et l'inscription  « animal méchant sur place »
Affichage de la ville de Calgary concernant les animaux méchants approuvée en juin 2021 et mis en vigueur en janvier 2022.(Ville de Calgary), fourni par l’auteur

Malgré cela, les terriers, et notamment les pitbulls, ne sont pas plus enclins à mordre et à causer des blessures graves que d'autres catégories de chiens, y compris les chiens miniatures, d'après les données de Calgary sur les morsures de chiens. Au niveau international, l'interdiction des races n'a pas permis de réduire la fréquence ou la gravité des morsures de chiens. En insistant sur la délivrance de permis de détention, le bien-être des chiens et une approche collaborative de la sécurité publique et de l'application de la loi, le modèle de Calgary a été reconnu comme une alternative viable.

Le bilan de l’expérience menée à Calgary en matière de prévention des morsures de chien révèle que si les discussions publiques et les débats médiatiques portent souvent sur la race ou la catégorie du chien, il n'en demeure pas moins que la mise en œuvre de la politique reste essentielle. C'est pourquoi les changements apportés au règlement de Calgary sur la possession responsable d'animaux de compagnie approuvés en juin 2021, ne sont peut-être pas pertinents. En effet, ils prévoient une application plus stricte de la loi, sans pour autant aborder la question de la délivrance des permis et de la traçabilité des chiens.

Priorités politiques

Selon nous, les politiques gouvernementales gagneraient à s'attaquer à deux problèmes clés qui sont encore ignorés dans la lutte contre les morsures de chien. Tout d'abord, il convient d'améliorer la coordination entre les différents secteurs. Lors de la révision de la politique de Calgary concernant les animaux de compagnie, par exemple, les dossiers médicaux de l'Alberta sur les morsures de chien n'ont pas été pris en compte, pas plus que les dossiers médicaux des enfants mordus par des chiens.

Le deuxième point concerne la justice sociale. La traçabilité est un élément clé de la prévention des morsures de chien et, malgré des exemples concluants comme celui de Stella le rottweiler, elle fait encore cruellement défaut. La recherche infructueuse de ce “pitbull blanc” le 6 juin 2021, n'est qu'un exemple tragique parmi d'autres. Malgré cela, la traçabilité des cas de chiens agressifs allant jusqu'aux morsures est bien plus efficace à Calgary que dans d'autres villes au Canada et à l'étranger.

Dans le cadre de la révision de son règlement sur la possession responsable d'animaux de compagnie, Calgary a envisagé d'accorder des subventions pour la délivrance de permis aux ménages à faible revenu possédant des chiens, mais n'a pas encore donné suite à cette option politique. C'est dommage, car dans les quartiers à faibles revenus, le nombre de permis de détention de chiens pourrait descendre en dessous de la moyenne enviable de Calgary. Si tel est le cas, les enfants et les familles les plus exposés aux morsures de chien et aux traumatismes à vie seront les moins bien protégés. Nous supposons que le taux de traçabilité est plus faible dans les quartiers à faible revenu sur le modèle de Calgary, mais nous ne pouvons pas l'affirmer avec certitude en raison d'un manque de données.

Malheureusement, la révision de la politique de Calgary concernant les animaux de compagnie ne portait pas sur la distribution géographique et socio-économique des blessures par morsure de chien et des enquêtes, qui auraient pu contribuer à l'élaboration des recommandations politiques présentées au conseil municipal en juin 2021.

Heureusement, il n'est pas trop tard pour identifier les tendances géographiques et socio-économiques à partir des données sur les morsures de chien recueillies par les services de santé d'Alberta, la ville de Calgary et l'Agence de la santé publique du Canada. Il n'est pas non plus trop tard pour consulter directement les victimes de morsures de chien et leurs familles, les personnes dont les chiens ont attaqué ou mordu d'autres personnes, les citoyens qui signalent des blessures causées par des morsures de chien et qui s'inquiètent du bien-être des chiens, ainsi que les professionnels de la santé tels que les ambulanciers, les pharmaciens, les médecins, les psychologues, les travailleurs sociaux et les vétérinaires.

Ce type de recherche peut et doit servir de base à la mise en œuvre de politiques, à commencer par celle de Calgary. Le modèle de Calgary en matière de politique et de prévention des morsures de chien mériterait ainsi de servir de référence pour les années à venir.

Fiche d'identité de l'article

Titre original :Dog bites happen every day but urban pet policies can help prevent them
Auteurs :Melanie J Rock et Morgan Mouton
Éditeur :The Conversation France
Collection :The Conversation France
Licence :La version originale de l'article a été publiée, en anglais, par The Conversation France sous licence Creative Commons. Lire l’article original. Une version française a été traduite par Hancock & Hutton pour l'Université Gustave Eiffel et publiée par Reflexscience sous la même licence.
Date de parution :

15 novembre 2021

Langues :française et anglais
Mots clés :

Animaux de compagnie, animaux, chiens, propriétaires d’animaux de compagnie, morsures de chien