MAGnUM, l’étude qui joue avec les bouchons pour les déjouer

Ludovic Leclercq, Directeur de Recherche en théories du trafic, à l'Université Gustave Eiffel

Pour de meilleures stratégies de régulation de nos déplacements, les chercheurs du projet MAGnUM ont développé une approche innovante basée sur des simulations à grande échelle. Ils mettent à disposition des données issues de six ans de recherche.

D’après l’Insee, près de neuf Français sur dix vivent aujourd’hui en ville ou dans l’aire d’attraction d’une ville. Conséquence, les embouteillages sont devenus une réalité quotidienne pour beaucoup d’entre nous, avec leur cortège de nuisances abondamment documenté. Pour remédier à l’embolie de nos agglomérations, les autorités publiques concentrent leurs efforts sur le développement des moyens de transport.

Conduit par le chercheur Ludovic Leclercq, directeur du laboratoire LICIT-ECO7, unité mixte de l’Université Gustave Eiffel et de l’ENTPE, et soutenu par l’European Research Council (ERC), le projet MAGnUM¹ a expérimenté une approche complémentaire. Elle vise une meilleure régulation des déplacements grâce à l’optimisation des systèmes de transport mais aussi de nos décisions individuelles dans nos trajets.

L’objectif était de développer des modèles pour représenter le comportement des usagers des réseaux multimodaux (voiture et transports en commun).

Pour mieux appréhender les choix que nous faisons, les chercheurs ont eu recours aux « jeux sérieux ». Autrement dit, à des simulations informatiques mettant simultanément de nombreux participants en situation de se déplacer virtuellement d’un point A à un point B.

L’autre originalité de l’approche, c’est son échelle : le réseau réel de l’agglomération de Lyon a servi de terrain de jeu principal, ce qui a permis aux chercheurs de tester un grand nombre de configurations.

La simulation reposait sur les trois choix principaux que nous faisons pour effectuer un trajet : l’itinéraire, le mode de transport et l’heure de départ. Les participants étaient libres de se déterminer sur ces variables. Les sessions ont permis de collecter en temps réel leurs réactions face aux options qui s’offraient à eux, dans des conditions de circulation fluctuantes.

En pratique, les décisions qui nous semblent optimales ne coïncident pas nécessairement avec l’intérêt collectif. Par exemple, en amenant beaucoup de conducteurs vers les mêmes alternatives, les systèmes GPS peuvent contribuer à la congestion du réseau.

Les chercheurs estiment ainsi que par une meilleure organisation des décisions individuelles, un système de transports pourrait être amélioré de 15 à 20%. Ils ont donc testé la réception de recommandations d’itinéraires susceptibles de réduire les embouteillages ou de causer moins d’émissions de CO₂, quitte à ce que les trajets s’avèrent plus longs.

Les jeux de données mis à disposition intéresseront potentiellement les chercheurs, bureaux d’études et autorités organisatrices de transports. 

L’une des avancées majeures du projet MAGnUM et de son supplément MAGnUM-plus, également financé par l’ERC, est un prototype d’application de navigation axé sur la recherche de l’optimum collectif.

L’équipe rend accessibles les observations réalisées sur près de 700 trajets lors de son développement (1 300 à terme). Le recueil des données comportementales sur les usages de l’application pourra nourrir des recherches sur l’acceptabilité des recommandations par les usagers.

Pour la recherche reproductible, l’ensemble des observations brutes faites lors des sessions de simulation pourront être utilisées pour d’autres applications nécessitant d’évaluer l’acceptabilité de conseils de guidage par les usagers.

¹ Pour « Multiscale and multimodal traffic modelling approach for sustainable management of urban mobility ».

L'interview a été réalisée par l'agence Kogito.

Jeu sérieux : Un jeu sérieux (serious game en anglais) désigne un jeu qui a un but principal autre que le divertissement.  Il s’agit d’une activité qui combine une intention « sérieuse » (information, formation, entrainement, recherche, ...) avec une approche ludique issu du domaine du jeu. Il peut s'agir d'un jeu de société, d'un jeu de rôle ou d'un jeu vidéo.

Recherche reproductible : Un travail de recherche est dit reproductible si toutes les informations qui concernent ce travail incluant, sans s’y limiter, le texte, les données, et le code de programmation, sont rendues disponibles de telle sorte que n’importe quel chercheur indépendant peut reproduire les résultats (Vandewalle et al., 2009)