La société du commun

Hervé Defalvard

Partout sur nos territoires s’expérimentent des modes de vie qui esquissent un nouveau modèle de société, basé sur le principe politique du « commun ». À travers leur analyse, l’ouvrage se penche sur les conditions d’émergence d’une alternative au capitalisme néolibéral.

Paru en avril 2023, La société du commun – Pour une écologie politique et culturelle des territoires est le 8e livre d’Hervé Defalvard, responsable de la chaire d’économie sociale et solidaire (ESS) de l’Université Gustave Eiffel. Sa réflexion s’ancre dans le constat d’une remise en cause du capitalisme néolibéral. Changement climatique et érosion de la biodiversité, augmentation des inégalités sociales ou encore crise démocratique : les conséquences de ses dysfonctionnements sont nombreuses et son hégémonie est de plus en plus contestée, jusque dans les cérémonies de remise de diplômes de nos grandes écoles.

Cette contestation se matérialise dans la multiplication des luttes et initiatives : mobilisations contre des projets nuisibles aux écosystèmes, monnaies locales, supermarchés coopératifs, tiers-lieux, territoires « zéro chômeur de longue durée »… Autant d’exemples d’alternatives concrètes, qui participent d’une réinvention des « communs » et constituent les ferments d’une nouvelle société. L’objet du livre est d’analyser les conditions de son affirmation.
 

Le territoire, espace de gestion partagée et durable des ressources

Les communs se définissent comme des formes de la vie sociale dans lesquelles une communauté, souvent locale et constituée à la faveur d’une lutte ou d’un besoin essentiel non satisfait, organise le partage d’une ressource en se dotant de règles qui en garantissent un usage durable. En cela, ils actualisent des organisations anciennes qui ont concerné les pâturages ou les rivières et sont d’ailleurs à l’origine de nos communes ! En prise avec l’enjeu écologique et à rebours du système dominant, ces communautés ont pour trait commun de faire prévaloir la valeur d’usage sur la propriété, sans exclure celle-ci pour autant.

Des communs à la société du commun, changer d'échelle pour changer le monde

Hervé Defalvard constate que les communs restent aujourd’hui marginaux, parce que les initiatives sont fragmentées, et en raison de leur spécialisation dans tel ou tel domaine. Selon lui, afin de voir émerger un contre-modèle suffisamment puissant pour contrecarrer l’hégémonie néolibérale, ils doivent évoluer dans deux directions. D’une part, développer une dimension translocale : faire à l’échelle locale tout en s’intégrant à un réseau relationnel qui la dépasse. D’autre part, devenir intégraux, c’est-à-dire s’étendre à tous les domaines de la vie sociale. C’est là l’hypothèse centrale de l’ouvrage, pour passer des communs à la société du commun.

Pour y parvenir, l’auteur insiste sur un enjeu : rassembler une pluralité d’acteurs du territoire (citoyens, associations, collectivités locales, entreprises), dans une stratégie d’encerclement à même d’entraîner État et grandes entreprises dans des coopérations porteuses d’un changement de modèle. Pour Hervé Defalvard, l’époque nous donne une raison d’espérer : l’ampleur des bouleversements climatiques, qui menacent l’habitabilité de la terre, nous met dos au mur.

L'interview a été réalisée par l'agence Kogito.