Imiter, Inventer : les cathédrales de Louis-Auguste Boileau

Laurent Koetz, enseignant-chercheur à l'ENSA Paris-Est

À travers le parcours singulier de Louis-Auguste Boileau, menuisier devenu architecte, l’ouvrage interroge la notion de progrès et d’hybridité des savoirs.

Le livre de Laurent Koetz, maître de conférences à l'ENSA Paris-Est, présente le parcours de Louis-Auguste Boileau (1812-1896), menuisier devenu architecte et inventeur. Passionné par le gothique, Boileau se spécialise dans le mobilier d’église avant d’ouvrir, dans les années 1830, un atelier de « menuiserie architecturale sculptée ». Sous l’influence de Philippe Buchez, médecin, homme politique et penseur d’inspiration saint-simonienne, il développe des convictions qui mêlent préoccupations sociales et religieuses dans une démarche progressiste. En 1851, il est le premier à déposer de nombreux brevets de systèmes architectoniques et publie ses théories sur la construction métallique. Elles seront mises en pratique lors de la construction de bâtiments principalement religieux, parmi lesquels l’église Saint-Eugène de Paris, en 1854-1855, ou encore l'église du Vésinet entre 1862 et 1865, un des premiers édifices publics à utiliser le béton. Si ses réalisations sont peu nombreuses, Boileau ne cessera, jusqu’à la fin de sa vie, de s’intéresser à l’innovation et de défendre sa vision de l’invention.

Construit sur six chapitres thématisés qui explorent successivement la formation pratique et intellectuelle, les premières inventions, l’approche de la matière, la réalisation de l’église Saint-Eugène, le rapport aux effets spatiaux et les stratégies de médiatisation, l’ouvrage fait ressortir la singularité de la personnalité et de la trajectoire de Boileau. Porté par les élans positivistes qui traversent le XIXe siècle, celui-ci rompt avec le préjugé qui fait des artisans les conservateurs de la tradition et des ingénieurs les porteurs de l’inventivité. Une liberté de penser qui l’amène à développer une activité d’architecte dans laquelle l’inventivité s’impose aussi bien au niveau des méthodes de construction, des matériaux utilisés ou de la promotion de ses travaux. Cela ne se fera pas sans controverse, notamment avec Viollet-Le-Duc qui lui adressera des critiques nourries, en partie, par un certain mépris de classe.

Bien que peu connue du grand public, la figure de Boileau est à la fois importante dans l’histoire de l’architecture et riche d’enseignements. D’abord parce qu’il a préfiguré, de manière intuitive, un certain nombre de réflexions sur la standardisation ou la typologisation qui viendront alimenter, par exemple, certaines théories fonctionnalistes. Ensuite parce que la capacité de Boileau à mobiliser conjointement des savoirs diversifiés et une créativité sans a priori est plus qu’inspirante pour les professionnels ou étudiants d’aujourd’hui.