Post-démolition. L’architecture face aux nouvelles ruines

Paul Landauer, professeur à l'ENSA Paris-Est

Paul Landauer soulève un paradoxe majeur : Comment construire un monde nouveau alors que nous n’avons plus les moyens de le faire ? Comment utiliser les situations déjà construites - et non plus les étendre ou les remplacer - lorsque les sols et les bâtiments dont nous héritons sont, pour une très large part, responsables des dérèglements écologiques et climatiques que nous subissons aujourd’hui ?

L’ouvrage interroge nos rapports aux existants dès lors que la démolition « moderne » de table rase a perdu toute légitimité. Il analyse la manière dont les architectes envisagent, depuis la fin du XXe siècle, les ruines de la modernité et propose quelques pistes d’action pour permettre leur réparation et leur transmission aux générations à venir.

Architecte et historien de l’architecture, Paul Landauer livre ici une réflexion à la fois théorique et abondamment illustrée, qui convoque plus de 150 ans d’histoire du rapport architectural aux vestiges bâtis.

Une histoire de la démolition et de ses alternatives

Structuré en sept chapitres, l’ouvrage retrace d’abord deux grands basculements dans les manières de faire avec l’existant. Le premier, au XIXe siècle, voit s’imposer une démolition massive, fondée sur la performance du déblai, laquelle ne sera pas profondément remise en cause avant la désindustrialisation d’un grand nombre de pays occidentaux. Le second moment, amorcé dans les années 1980-1990, correspond à l’émergence d’une attention nouvelle envers les bâtiments abandonnés, issus de cette même désindustrialisation et des situations de décroissance qui en sont issues. Ces « nouvelles ruines », souvent polluées, en mauvais état ou peu aptes à être maintenues, s’imposent aujourd’hui comme les ressources d’un futur à inventer.

Architecture et transformation

Fondateur, il y a une dizaine d’années, de la filière de master Transformation à l’ENSA Paris-Est, Paul Landauer explore depuis un moment les théories de la transformation dans l’architecture. Ce sujet s’inscrit aujourd’hui dans une actualité brûlante : comment penser l’entretien, le réemploi, la dépollution et la réparation de sols et de bâtiments hérités d’un XXe siècle en ruine sans franchir les limites planétaires ? Comment maintenir tout en réinventant des matériaux – comme le béton – dont l’entretien pèse sur les ressources aussi bien que sur le bilan carbone ?

Une pensée spéculative ancrée dans le réel

Les trois derniers chapitres de l’ouvrage adoptent une posture plus spéculative : à partir d’exemples récents, souvent illustrés, l’auteur propose une typologie des approches possibles face à des patrimoines abîmés, dégradés, voire toxiques. Il s’agit autant de faire avec les déchets du passé que de préparer le sol – au sens propre – pour les générations à venir.

L’ouvrage s’appuie sur une recherche issue de son habilitation à diriger des recherches (HDR) soutenue en 2019, et qu’il a fortement retravaillé depuis.

Post-démolition s’adresse autant aux architectes qu’aux urbanistes, aux chercheurs qu’aux acteurs de la ville, bref à toutes celles et ceux qui cherchent à penser les formes bâties dans l’avenir.

L'interview a été réalisée par Canévet et associés.