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Si la Seine nous était contée
Les coulisses de la recherche
Youssef Diab et Bernard Landau, les co-porteurs du projet La Seine en commun, se connaissent de longue date : chaque année depuis 2007 ils co-organisent les universités d’été de l'EIVP, l’école du génie urbain. C’est donc tout naturellement qu’ils se sont engagés dans un nouveau projet visant à développer les représentations d’un fleuve, en l’occurrence la Seine, en y intégrant une vision citoyenne trop peu souvent prise en compte. Un sujet que Bernard Landau connaît bien. La Seine n’est pas à vendre (SPAV), association qu’il préside, a été créée en 2018 dans le prolongement d’une mobilisation contre un projet de la Ville de Paris de confier à des investisseurs la construction de passerelles habitées sur la Seine. Après que le Conseil d’État eut invalidé celui-ci, le collectif protestataire se fit associatif afin d’ouvrir un espace de débat citoyen où lanceurs d’alertes et rassembleurs d’idées agissent pour que la vallée de la Seine et ses affluents soient reconnus comme un élément structurant des territoires.
Cartes d’experts et cartes sensibles
L’objectif étant fixé, restait à déterminer la façon de l’atteindre. Pour cela, chercheurs et associatifs vont utiliser un outil nouveau pour eux : les cartes sensibles. Contrairement à la cartographie traditionnelle, les cartes sensibles offrent une représentation subjective d’un territoire ou d’un espace propre à leurs auteurs. Ces derniers le dessinent en fonction de l’usage qu’ils ont de celui-ci, tout comme de leur sensibilité, de leur histoire et de leurs attentes personnelles.
La première étape a donc consisté à réunir, sur des territoires idoines, des volontaires prêts à tracer leur carte sensible de la Seine. Trois villes sont retenues : Chatou, Créteil et Juvisy. En s’appuyant sur les associations locales, parfois sur les élus, ou en allant à la rencontre des habitants lors de tractages sur les marchés réalisés conjointement par des stagiaires de l’Université Gustave Eiffel et des adhérents de la SPAV, des ateliers sont organisés dans chacune d’elles selon un protocole précisément établi.
Entendre et prendre en compte la parole citoyenne
Forte de son expérience en enseignement de la sociologie et plus spécifiquement de la participation citoyenne, c’est Bénédicte Goussault, membre de la SPAV, qui est alors à la manœuvre, toujours accompagnée par des étudiants en Génie urbain ou en architecture. Après une présentation générale du projet, il est demandé aux participants des ateliers de dessiner la Seine et ses abords tels qu’ils les perçoivent et en s’attachant à trois aspects particuliers : les risques, les paysages et les trajets. Les dessins réalisés sont ensuite mis en commun afin que chacun puisse commenter sa propre réalisation ou échanger sur celles des autres. Lors d’une réunion de restitution globale, ouverte aux participants des villes impliquées, l’ensemble des dessins et échanges recueillis au cours des ateliers sont présentés, avant d’être repris dans un ouvrage collectif en cours de finalisation.
Renforcer la démocratie participative
Le projet La Seine en commun ouvre de multiples perspectives. En premier lieu, il confirme les bénéfices d'un partenariat entre équipe de recherche et structure associative, tant en termes de moyens que de méthodologie. Ensuite, il offre des potentialités nouvelles pour les scientifiques par la prise en compte des cartes sensibles. Enfin, il ouvre une réflexion générale sur la notion de démocratie participative qui va au-delà des seules questions d’aménagement du bassin de la Seine et pose une question fondamentale : comment vivre ensemble dans un espace partagé, en harmonie avec l’environnement ?